La Mort et moi...
Parce que l’une n’existe pas sans l’autre. Parce qu’avec le
don de la Vie, vient la promesse de la Mort. Parce que le compte à rebours
débute dès notre premier souffle. Parce que pour les êtres humains comme pour toute
forme de vie, la Vie et la Mort n’ont de cesse, à chaque instant, de se
chercher fébrilement, de se réunir dans une subtile alliance où le sublime
côtoie l’abominable, de se toiser fièrement, de se provoquer dans un suave jeu
de séduction, de s’enchevêtrer pour fusionner, condamnées à danser à jamais un
énigmatique et inexorable ballet, suspendues sur le fil de l’éternité.
Comme tout un chacun, j’ai vécu mon lot de deuils, certains m’ayant impactée plus que d’autres. Mon bien-aimé Grand-papa tout d’abord, dont le départ au milieu de ma vingtaine m’a profondément chagrinée, même si une petite voix me murmurait que l’ordre des choses étaient respecté. Ma douce Grand-maman ensuite, alors que j’étais enceinte de ma fille, comment ne pas y voir le clin d’œil pudique de la Vie venant me rappeler que tout est cyclique ? Mon bien-aimé et merveilleux Papa en juin 2021, qui a choisi de s’abandonner après un bref combat contre la maladie. Ayant eu le privilège d’être à ses côtés durant son envol, je reste encore aujourd’hui abasourdie par la sérénité et le sentiment de justesse qui m’ont envahie à ce moment-là. Quelque chose s’est passé. Une minuscule pierre a été déposée ce jour-là, comme un discret indice, ultime cadeau de cet homme que j’ai si tendrement aimé et qui me l’a rendu au centuple.
Mais l’évènement marquant, celui qui a transformé à jamais mon rapport à la Mort et au deuil, est la perte de mon premier enfant, une petite fille, en 2005, à un stade avancé de la grossesse. Ici, l’ordre des choses – en tout cas tel que nous le concevons – n’a pas été respecté. Je me rappelle avoir parlé à cette petite âme et lui avoir dit que je comprenais son choix, qu’elle avait le droit de s’en aller si tel était son souhait. Là aussi, j'ai été habitée par cette impression d’être si sereine et si forte, tellement soutenue par la Vie. Pourtant je ne comprenais pas. Même si je ne pouvais m’empêcher de reconnaître le caractère si précieux et si puissant de cette expérience aussi douloureuse qu'initiatrice. Tout est parfait, je comprendrais un jour. Comme Papa plus tard, Nina avait délicatement déposé une petite pierre, promesse d’un édifice à bâtir lorsque je serais prête à l'ériger.